Tribune : l'autodétermination des élèves trans ne doit pas dépendre de l'autorité parentale

Tribune : l'autodétermination des élèves trans ne doit pas dépendre de l'autorité parentale

29/10/2021

Nous, associations et collectifs réalisant des interventions de sensibilisation dans les établissements scolaires et membres de l’Éducation nationale, nous sommes réuni·es pour alerter sur une circulaire qui oublie les élèves trans les plus vulnérables. 

Jeudi 30 septembre, le ministère de l’Éducation nationale et des Sports a publié au bulletin officiel la circulaire intitulée « Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l'identité de genre en milieu scolaire » (à lire ICI). Cette circulaire que nous attendions depuis le 17 mai, et pour laquelle nous avons été consulté·es, est en effet le premier document ayant pour objectif de donner des directives sur l’accueil et l’accompagnement des personnes trans dans les établissements. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette initiative.

Jusqu’à présent, les élèves trans étaient accueilli·es de manière très hétérogène en fonction de leurs établissements, et ce, en raison de l’absence de directives claires : certains mettant en place de nombreuses mesures d’accompagnement et d’autres refusant le dialogue sur ces situations.

En rappelant que « l'identité de genre est en effet propre à chaque individu et à son ressenti intime » et que « les actes et propos transphobes sont punis par la loi », cette circulaire va obliger les établissements à respecter l’identité de genre des élèves, permettant un accueil homogène des élèves trans dans tous les établissements. 

Élément important, elle va également donner les informations dont manquaient cruellement les personnels de l’Éducation nationale. Loin de se suffire à elle-même, nous demandons à ce qu’elle soit accompagnée d’un vade-mecum complet écrit en partenariat avec les associations concernées et de la formation massive de tous les personnels encadrants pour permettre une meilleure compréhension des transidentités, des enjeux et des vécus des personnes trans.  

Autre point important, cette circulaire lance également une révision des règlements intérieurs des établissements en éliminant tous les traitements différentiels dépendant du genre : les tenues, le maquillage… Une avancée importante dans la lutte contre les stéréotypes de genres, comme le sera l'attention particulière dorénavant portée sur les espaces tels que les toilettes ou les vestiaires. 

Cependant, parallèlement à ces avancées, ce document officiel sera la source d’un mal-être important pour un certain nombre d’élèves trans. En ne reconnaissant l’identité de genre des élèves que sous condition d’acceptation par les parents, ce document va à l'encontre du principe même d’autodétermination et repose sur une interprétation partiale de l’autorité parentale. 

« L’établissement, bien que soucieux de l’accompagnement de l’élève, ne peut opérer un tel aménagement sans l’accord des représentants légaux. L’exercice de l’autorité parentale, qui recouvre un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant, ne saurait être remis en cause. » 

Ce que ce garde de rappeler cette circulaire, c'est que les textes relatifs à l'autorité parentale précisent aussi qu'elle doit s'exercer « pour protéger [l'enfant] dans sa sécurité [...] pour permettre son développement, dans le respect dû à sa personne, [...] sans violences psychologiques.» Les textes recommandent même « [d'associer] l'enfant aux décisions qui le concernent ».

Sachant que le cercle familial est le premier espace où s’exerce la transphobie, d’après le rapport de 2021 sur les LGBTIphobies de SOS homophobie, soit 20% des actes recensés, le ministère ne peut instaurer une telle règle. Au lieu de proposer un espace sécurisant et serein, les établissements scolaires vont être la prolongation de la transphobie subie par les élèves dans la sphère familiale, et de leur mal-être qui en résulte. 

En effet, il était jusqu’à présent possible pour un certain nombre d’élèves trans de bénéficier de l’utilisation de leur prénom et pronoms choisis, avec ou sans l’accord de leurs parents, grâce à l’absence de réglementation précise ainsi qu’à la bonne volonté d'une partie du personnel de l'Éducation nationale.

Dans ce cadre, cette circulaire va entraîner une détérioration de l'accueil, opérant même un retour en arrière pour certains établissements qui n'oseront plus privilégier le bien-être de l'élève face à la peur des représailles de l'autorité parentale. Les conséquences seront un plus grand décrochage scolaire et une augmentation du mal-être des personnes trans.

Cette circulaire ne manquera pas de susciter un contentieux important, parce qu’elle ne prend pas en compte toute la diversité des familles de la société. Comment seront résolues les difficultés liées à l’opposition des parents sur la reconnaissance de l’identité de genre ?

Nous, associations et collectifs, sommes inquiet·es d'un tel positionnement, nous redoutons qu'il ne fasse qu'augmenter les actes désespérés des jeunes trans. Nous sommes également terriblement déçu·es par la non prise en compte d’un grand nombre de nos suggestions et de la manière dont notre connaissance des difficultés rencontrées par les élèves trans en milieu scolaire a été balayée. 

Signataires : SOS homophobie, Contact France, MAG jeunes LGBT, Collectif éducation contre les LGBTIphobies en milieu scolaire et universitaire, ESTIM’

Cette tribune a été publiée le 29 octobre 2021 sur le site de TÊTU.

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